C’est très addictif de regarder des conférences sur TED. On devient facilement accro à l’intelligence. Tous ces gens qui font des choses incroyables, chacun dans leur domaine, et qui suggèrent qu’il existe une communauté mondiale d’activistes géniaux occupés à bricoler des solutions incroyablement astucieuses pour sauver le monde…

Ainsi la formidable conférence de mon amie Florence Lautrédou sur la façon de revendiquer ses rêves ou l’inoubliable récit de Jill Bolte Taylor sur son AVC vécu en direct…

Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une petite sensation de malaise. Parfaitement formaté dans l’époque, par tranches de 20 minutes scénarisées à fond, adapté à notre incapacité à nous immobiliser plus d’une heure pour lire des choses longues ou pas évidentes, je me demande parfois si TED ne fait pas avec beaucoup de bonnes intentions l’inverse de ce qu’il est censé promouvoir. Nous proposer des idées épatantes répercutées à l’infini par les réseaux sociaux, confisquer le langage et l’expérience au profit de ceux qui sont capables de tenir un public en haleine sur une scène, n’est-ce pas nous inviter à déléguer les solutions à ces gens si intelligents et à différer encore une fois le moment où nous allons prendre en main notre propre destin, dans notre famille, notre quartier, notre entreprise ? Est-ce que ceci n’encourage pas la dissociation entre ce qu’il serait possible de faire modestement à notre échelle et les immenses mouvements tectoniques mondiaux sur lesquel nous n’avons aucune influence ? L’effet « waow » de TED ne doit pas nous masquer que les solutions passent par chacun de nous, de façon millimétrique, opiniâtre et courageuse.