
Voici un roman fascinant qui marie délicatesse stylistique et profondeur psychologique avec une exigence impressionnante de vérité historique et technique.
Chevalier excelle dans la peinture minutieuse des rouages invisibles de la société vénitienne, en inscrivant son héroïne dans un univers à la fois enchanteur et implacable. À l’instar de « La Dame à la licorne » que j’avais adoré, l’autrice nous immerge dans un artisanat d’art qui transcende les siècles, explorant le monde de la verrerie avec une précision documentaire sans jamais perdre de vue la pâte littéraire.
Le personnage central de la fileuse, Orsola Rosso, fille cadette d’une famille traditionnelle de verriers d’art de Murano, incarne une quête d’émancipation poignante et subtile. La manière dont Tracy Chevalier traite le féminisme, sans avoir l’air d’y toucher, est admirable. Loin de tout militantisme, elle façonne un personnage dont les aspirations résonnent de manière universelle, comme une lutte silencieuse et déterminée pour exister dans un monde d’hommes. Chaque geste, chaque décision, semble guidé par une volonté de liberté qui ne fléchit jamais. La dimension féministe de l’œuvre se trouve magnifiée par cette écriture exigeante, où chaque mot est pesé pour révéler les contradictions, les forces et les faiblesses de ses personnages.
La seule réserve pour moi porte sur l’artifice littéraire de la temporalité différente entre Venise et le reste du monde, un procédé qui, bien qu’original, peut parfois créer un décalage avec l’unité narrative. J’ai eu un peu de mal à franchir les siècles au galop. Cependant, cet effet de distorsion semble aussi voulu, comme un clin d’œil au caractère insulaire de cette Venise atemporelle, presque figée dans le verre que l’héroïne façonne. Et du coup, la fin est très jolie.
Tracy Chevalier, rendu célèbre par le succès de son deuxième roman, « la jeune fille à la perle », signe ici une œuvre d’une grande richesse, qui place le destin individuel au cœur d’une fresque historique magnifiquement documentée, où l’art, la société et les aspirations féminines se tissent en un écheveau de verre fin et résistant.
pas lu celui-ci mais tu donnes envie de le découvrir ! Merci…
oupas répond ma PAL 😀 😉
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Ah oui l’épidémie d’obésité des PAL… 🙃 La mienne ne fait pas exception, merci a toi et surtout à Miss T qui ne donne que de bons conseils 😭
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Très hâte que ce nouveau texte sorte en poche dans quelques mois pour le découvrir tant il semble à nouveau receler tout ce que j’aime chez l’autrice. Je suis même curieuse de ce décalage temporel que tu évoques et qui me semble être une première chez elle.
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Oui absolument au début ça m’a un peu gêné et finalement tout s’explique et rentre dans l’ordre dans la fin. Mais ça ne gâche aucunement le plaisir d’un livre super bien écrit qui met Venise en valeur et parle tellement bien des femmes puissantes !
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