Deux femmes, deux actrices, deux destins fracassés, victimes d’un système qui les a utilisées avant de les broyer. Sylvia Kristel, star d’Emmanuelle, et Maria Schneider, icône déchue après Le Dernier Tango à Paris, partagent le triste destin des héroïnes sacrifiées sur l’autel du désir masculin.

Kristel, d’une beauté froide et distante, est devenue malgré elle le fantasme de toute une génération. Je ne me doutais pas, l’été de mes quinze ans, lorsque j’achetais d’une grosse voix destinée à me faire paraître plus âgé des tickets pour moi et mes potes au cinéma de Lacanau, que je me rendais complice actif de ce forfait. pour ce que ça vaut, j’ai honte. Derrière le mythe érotique, il y avait une très jeune fille qu’on a réduite à l’archétype de l’objet du désir, avant de la jeter sans un regard en arrière, la laissant crever seule à 60 ans oubliée de tous ceux qu’elle avait fait grimper aux rideaux.

Quant à Maria Schneider, comme le raconte sa nièce Vanessa dans son excellente biographie romancée, elle a subi une humiliation publique et privée lors du tournage d’une scène de viol improvisée par Bertolucci et Brando, sans son consentement. Cette violence symbolique et réelle l’a poursuivie jusqu’à sa mort, la réduisant à l’image d’un corps exposé, vulnérable.

Kristel et Schneider ne sont pas mortes à cause d’un accident de la vie, mais des sales habitudes d’un patriarcat qui séduit, épuise, puis abandonne. Elles ont été les premières à tomber, mais derrière elles se tient toute une cohorte de femmes invisibles, vampirisées par un système qui glorifie le désir masculin tout en réduisant les femmes au silence, à la soumission, et à la dépossession d’elles-mêmes.

En cette ère de #MeToo et avec une pensée pour Gisèle Pélicot, enfermée dans l’arrière-boutique de cette chaîne sordide qui commence sous les sunlights, souvenons-nous que ces deux figures sont les martyres de ce champ d’honneur pervers, que le cinéma patriarcal a érigé en système. Elles sont tombées, mais elles n’ont pas été oubliées. Chaque fois que l’on parle de consentement, de respect, de dignité, elles revivent un peu. Enfin, on aimerait bien…