
J’ai une relation très particulière avec le Rwanda. En 2010, j’ai participé à une mission conduite par les thérapeutes narratifs australiens David Denborough et Cheryl White pour former des « conseillers en trauma » dont la vocation était de travailler avec les rescapés du genocide dont, 17 ans après, les blessures étaient imparfaitement cicatrisées.
J’ai écrit à l’époque une série de posts dans « Errances Narratives », le blog de la Fabrique Narrative que j’avais fondée 18 mois auparavant. Est également née à Kigali « La chanson des Survivants« , que j’ai composée avec les mots, expressions et sagesses de vie d’un groupe de rescapés en réponse a la question : « comment arrivez vous à vivre aujourd’hui avec ceux qui ont assassiné vos familles ? »
Un moment de ma vie qui m’a totalement fracassé. Rencontre frontale avec cette chose impensable qu’est un génocide, sujet auquel j’avais cru échapper en me mettant la tête bien profond dans le sable de la réussite professionnelle et autres obsessions anodines.
Tout ceci pour dire que j’ai suivi Gaël Faye depuis ses débuts et que je sors de « Jacaranda » à la fois ébloui et en larmes, par la quête de vérités et de récits de son héros concernant l’histoire de sa mère, une mère qui demeure mutique sur les horreurs auxquelles elle a survécu.
Cette quête de Gaël Faye dans Jacaranda, si intime et déchirante, m’a ramené à mes propres rencontres avec la mémoire collective et les récits individuels du Rwanda, mais pas que. À travers son écriture, il explore les silences qui entourent les traumatismes, ces absences de mots qui pèsent plus lourd qu’un cri. Ce silence, je l’ai aussi perçu dans les regards de ma mère et de ma grand-mère quand je leur posais des questions sur l’histoire de notre famille.
Le narrateur de « Jacaranda » ne trouvera pas la paix tant que ce silence pèsera sur sa vie, occultant une partie essentielle de son identité. Alors il part au Rwanda à la découverte de son histoire et y rencontre une famille de coeur parmi ces rescapés cabossés, magnifiques de pudeur et de courage. Dans Jacaranda, ce n’est pas seulement l’histoire de sa mère qu’il raconte : c’est aussi celle de la transmission, de ce qui circule ou ne circule pas entre les générations. À sa manière, il interroge ce que nous héritons des blessures et des silences des autres, et comment nous choisissons de les porter ou de les transformer.
Quand j’ai lu Jacaranda, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à La chanson des Survivants. Cette chanson, née des mots de ceux qui avaient perdu l’irremplaçable, portait pourtant une force invincible, une foi en leurd enfants malgré tout. Elle répondait à l’indicible en créant un espace où la douleur, le pardon, et l’amour pouvaient coexister. Gaël Faye, avec ses phrases ciselées et ses silences vibrants, fait exactement cela dans son roman. Il crée une ouverture, une brèche, pour que d’autres puissent respirer et trouver leurs propres mots.
Un livre qui bouleverse, illumine, et laisse, comme le jacaranda en fleurs, un parfum indélébile dans le coeur.
Une lecture prévue de mon coté aussi ! 🙏 😘
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Tu vas te régaler 🤩
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Pas de doute j’ai ! 😉😊
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C’est avec une boule dans la gorge qu’on te lit.
Bravo pour ta sincérité et surtout ton engagement.
Je ne suis que plus convaincue encore qu’il faut que je lise ce texte.
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Merci Miss T. C’est vrai que cette mission au Rwanda a mis des visages et des personnes sur cette tragédie, des héros du quotidien qui arrivent à survivre malgré l’horreur. Gaël Faye leur a donné une voix.
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