
Michael White, dans son développement de la thérapie narrative, distingue deux « paysages » dans un récit : le paysage de l’action, qui décrit les actions d’un personnage, et le paysage de l’identité (initialement appelé « paysage de l’intention », en référence au philologue Jerome Bruner qui a forgé ces concepts).
Le premier relate les événements, tandis que le second donne du sens à ces actions en révélant les motivations du personnage, construisant ainsi une cohérence interne à son identité. selon Michael White, ces deux paysages « se reflètent mutuellement à l’infini, comme deux miroirs placés face à face ». Le film « Emilia Pérez » de Jacques Audiard illustre parfaitement cette dynamique.
Rita Moro Castro, une avocate surqualifiée et sous-estimée, est sollicitée par Manitas del Monte, un redoutable chef de cartel mexicain, pour l’aider à disparaître et réaliser son rêve de devenir une femme, Emilia Pérez. Après sa transition, Emilia retourne incognito auprès de sa famille, se faisant passer pour la cousine de Manitas, afin de renouer avec son ex-femme, Jessi, et ses enfants.
Le changement d’identité de Manitas en Emilia modifie radicalement ses actions et son rapport au monde. Les actes violents et impitoyables du passé cèdent la place à des actions empreintes de bienveillance et une quête de rédemption à travers la fondation d’une ONG qui s’efforce d’atténuer la douleur des victimes des sicarios. En se rapprochant de sa famille sous une nouvelle identité, Emilia cherche à réparer les torts du passé et à protéger ses proches, illustrant ainsi comment le paysage de l’identité influence et façonne le paysage de l’action.
Les performances magistrales de Karla Sofía Gascón (Emilia Pérez), Zoe Saldaña (Rita Moro Castro) et Selena Gomez (Jessi) apportent une profondeur et une authenticité remarquables au film. Leur alchimie et leur interprétation nuancée ont été largement saluées, contribuant à l’impact émotionnel de l’œuvre. Le film a été récompensé par le Prix du Jury au Festival de Cannes 2024, et le prix d’interprétation féminine a été décerné collectivement aux actrices principales, une reconnaissance exceptionnelle de leur talent.
La musique joue un rôle central dans « Emilia Pérez », comédie musicale décalée avec des mélodies et des chansons qui ajoutent une dimension émotionnelle profonde à l’histoire. Les compositions de Camille et Clément Ducol accompagnent parfaitement le récit, apportant une touche de pudeur et de délicatesse qui accompagne et renforce la dynamique émotionnelle du film comme un contrepoint fugué sublime une sonate de Bach. A signaler, une réinterprétation de Brassens par une fanfare mexicaine… à tomber par terre.
« Emilia Pérez » est une belle claque cinématographique et musicale qui explore avec sensibilité et profondeur les thèmes de l’identité, de la transformation et de la rédemption, tout en illustrant brillamment les concepts narratifs de Michael White. N’en déplaise aux pisse-froid qui ont couiné que le virus du wokisme menaçait nos âmes !
Une claque magistrale pour moi aussi.
Je suis allée le voir sans rien en savoir parce qu’on m’y avait invitée et ce fut ma meilleure expérience de l’année !
Ces plans, cette musique, cette interprétation, cette histoire. Tout m’a plu 💕
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Oui c’est incroyable parce que ça aurait pu être complètement raté mais c’est une merveille 🤩
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