
Ce récital des anges (Falling Angels), référence aux anges qui ornaient souvent les tombes dans les cimetières victoriens (mais aussi peut-être aux deux jeunes héroïnes), nous transporte dans une Angleterre en plein basculement : 1901, la reine Victoria s’éteint, et l’ère édouardienne s’ouvre avec des aspirations de liberté qui agitent tous les aspects de la société. L’intrigue se noue autour de deux familles, les Waterhouse et les Coleman, dont les tombes voisines deviennent le théâtre symbolique d’un choc de valeurs : l’attachement aux traditions face à un élan vers la modernité.
Ce roman choral, où la narration alterne entre plusieurs points de vue, m’a dérouté dans un premier temps. Les premiers chapitres exigent un effort pour se repérer parmi les personnages et comprendre les enjeux, mais ce choix stylistique prend tout son sens à mesure que l’histoire avance. L’intrigue, d’abord discrète, s’étoffe progressivement, révélant la profondeur psychologique des personnages et le drame final qui les anéantit.
On retrouve dans ce roman la signature de Tracy Chevalier : une minutie dans la peinture des mœurs et des aspirations individuelles, portée par des portraits féminins nuancés. L’Angleterre guindée du début du XXe siècle, avec ses carcans sociaux et ses étincelles de rébellion – incarnées ici par l’engagement féministe des suffragettes –, sert de toile de fond à une réflexion plus intime sur les attentes, les désirs et les désillusions.
Si j’ai retrouvé avec plaisir la finesse d’analyse de l’autrice, je dois admettre que ce n’est pas mon ouvrage préféré d’elle. Comparé à La Dame à la licorne ou La Jeune Fille à la perle, ce roman m’a paru moins captivant, notamment dans son rythme plus lent. A un moment, je me suis pris à imaginer un coup de théâtre transgénérationnel final – à la manière d’un Lignes de faille de Nancy Huston (un chef-d’œuvre que je recommande vivement), mais c’est mon imagination débordante qui m’a égaré…
Cela dit, Le récital des anges reste une lecture enrichissante pour les amateurs et amatrices de romans psychologiques et de fresques historiques subtiles. Un livre choral à points de vue tournants qui, s’il ne m’a pas transporté autant que d’autres œuvres de Tracy Chevalier, mérite néanmoins qu’on s’y attarde.
Et bien mon cher Pops, malgré tes léger bémols, tu m’as donné envie…. 😉
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