Je l’avais découverte dans Obsolète, magnifique roman d’anticipation glaçant et poétique sur l’obsolescence programmée… des femmes (chronique dans ce blog). Je continue à explorer son travail avec Black Coffee, et c’est peu dire que je n’ai pas été déçu : Sophie Loubière confirme ici qu’elle est une surdouée polymorphe, capable de passer du noir au futur, du roman social à l’intime, sans jamais perdre ce style qui claque et caresse à la fois.

Journaliste, compositrice, autrice radiophonique, critique musicale… Sophie Loubière a eu plusieurs vies, toutes traversées par une même passion : raconter des histoires. Et elle les raconte bien. Trop bien. C’est fou ce qu’elle écrit bien. Moderne, incisive, parfois lyrique sans jamais être sirupeuse. Par moments, j’ai cru entendre résonner le Philippe Djian des débuts, celui d’Échine ou de Bleu Comme L’enfer, avant qu’il ne commence à se pasticher lui-même (après Crocodiles je dirais). Une écriture nerveuse, vivante, profondément incarnée.

Le pitch ? Une tuerie sauvage en 1966, à Narcissa, petite ville poussiéreuse de l’Oklahoma. Une femme enceinte égorgée, une fillette poignardée, une famille décimée… et personne n’a rien vu. Quarante-cinq ans plus tard, une Française un peu étrange, Lola Lombard, débarque sur la mythique Route 66 avec ses deux enfants. Elle cherche son mari disparu trois ans plus tôt. Sa seule piste : un mystérieux cahier. Et peut-être, la trace d’un des tueurs en série les plus terrifiants de l’histoire américaine.

Je n’en dirai pas plus. Parce que Black Coffee se déguste sans spoiler, comme un bon roman noir – brûlant et doux-amer, sombre et âpre comme le morceau éponyme d’Ella Fitzgerald. Sophie Loubière tisse ici une toile complexe et envoûtante, où la violence crue des faits côtoie la tendresse profonde de ses personnages. Si l’on ne savait pas l’autrice française, on jurerait avoir affaire à la traduction d’un roman américain, de même que Boris Vian a créé Vernon Sullivan pour écrire J’irai Cracher Sur Vos Tombes.

Ajoute à cela une galerie de portraits impressionnants, une tension narrative qui ne lâche jamais, et une ambiance de film noir sous soleil écrasant, et tu obtiens un polar magistral. Un de ceux qui restent. Et merci à Ge et à Collectif Polar pour cette découverte !

Sophie Loubière, décidément, est une touche-à-tout inspirée qui écrit avec grâce et déchire la page de sa poésie lumineuse . Black Coffee est une très belle porte d’entrée dans son univers. Mais attention : vous risquez d’y rester un bon moment…