
Bienvenue dans l’incroyable métamorphose de nos petites villes françaises ! Bordeaux, Annecy, Colmar, et tant d’autres deviennent des parcs d’attractions grandeur nature pour les touristes en quête du cliché parfait.
Ici, les logements ne servent plus à loger « les vrais gens » (ces drôles de personnages qui travaillent, inscrivent leurs enfants à l’école, et cherchent un coin pour poser leurs affaires) ; non, ils sont désormais réservés aux visiteurs de passage, prêts à vivre une nuit ou deux dans « l’authentique » — version packagée, bien sûr.
À chaque étage, des Airbnb flambant neufs, des boîtes à clé qui s’alignent comme des bornes d’entrée, et dans les courettes, un ballet incessant de sacs de linge propre. Nos centres-villes deviennent des décors vivants où les habitants se font rares, tandis que fleurissent les boutiques de fast-fashion, les take-away, et les bars à vins et fromage « traditionnels » (le plastique est inclus pour rassurer, il faut conserver quelques repères dans cet océan d’authenticité). Les « vrais gens » ? Ils peuvent toujours aller se loger un peu plus loin… ou, mieux, rejoindre les coulisses du parc et observer, ébahis, cette magie qui les fait disparaître du centre-ville.
Heureusement, une loi est en route pour enfin fixer des quotas, a supposer qu’elle ne se fasse pas trucider par les petits meurtres entre amis de nos glorieux députés. Imaginez : les élus auront bientôt le pouvoir de freiner cet emballement, en limitant les locations saisonnières. À défaut de ramener les boulangeries de quartier, peut-être qu’un ou deux appartements resteront pour ces êtres étranges que sont les habitants permanents. Nos villes vont-elles retrouver un peu de réalité en tant que lieus de vie ? Après tout, chaque parc d’attractions a besoin de figurants – et quelques habitants pourraient bien faire l’affaire pour compléter le tableau.