
Dans « El Buen Patrón » (film de Fernando Leon de Aranda, dispo en ce moment sur Arte), Javier Bardem incarne avec brio le personnage de Blanco, un petit patron paternaliste, dont la bienveillance affichée masque une obsession du contrôle.
Dans cette comédie espagnole hilarante mais profonde, Blanco se présente comme un homme qui prend soin de ses employés, les considérant comme une extension de sa propre famille. Il aime à jouer le rôle du père, veillant sur chacun, prêt à aider en cas de difficulté. Mais sous cette façade se cache un homme égocentrique, prêt à manipuler, licencier ou exploiter pour préserver son entreprise et son statut. Son obsession pour la perfection le pousse à intervenir dans la vie privée de ses employés, pour s’assurer que tout, y compris les relations personnelles, soit au service de son narcissisme.
Ce personnage incarne une figure de patronat qui a longtemps marqué le paysage industriel européen, notamment au XXe siècle. Il représente une forme de capitalisme où le patron se considérait responsable, non seulement des résultats économiques, mais aussi de la « santé » sociale de son entreprise. Pourtant, ce type de patron est aujourd’hui en voie de disparition, sacrifié sur l’autel du néo-capitalisme financier. Dans ce nouveau modèle, l’entreprise est réduite à une simple ligne dans un tableau Excel, et les décisions sont prises par des actionnaires lointains, indifférents aux réalités humaines. Le paternalisme, avec ses excès et ses vertus, a laissé place à une logique de profit immédiat, où le lien direct entre le patron et ses employés s’est effacé derrière les impératifs financiers globalisés.
Blanco incarne donc un monde qui s’éteint, où les entreprises étaient encore des lieux de pouvoir personnel, souvent autoritaire, mais imprégné d’une forme de responsabilité. Bardem capture avec intensité cette transition douloureuse, et montre comment l’obsession de Blanco pour le contrôle et la stabilité reflète son incapacité à s’adapter à un système qui, colonisé par les Big 6, n’a plus de place pour des figures comme lui. Malgré tous les coachings du monde, ils disparaissent, majestueux mais condamnés comme les grands reptiles préhistoriques.
J’ai vu passer la bande-annonce, je me doutais que ce serait un bon film coup de poing, bien filmé et joué. Tu confirmes.
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Oui et en plus il fait subtilement passer plein de messages au niveau social et aussi sur le patriarcat !
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