Pendant la Master Class de la Fabrique Narrative, le mois dernier, nous avons essayé de déconstruire les cartes narratives de Michael White et de proposer une notion alternative et externalisante d’ « esprits de la pratique ».

La métaphore de la « GPS-isation » de la thérapie narrative a été proposée pour décrire le risque de voir les cartes narratives perdre leurs degrés de liberté pour remplacer la randonnée co-construite de la conversation en trajet algorithmique prédéterminé.

Une interview de Michael Duggan, géographe et maître de conférences en culture digitale, dans l’excellent trimestriel Usbek & Rica (n°44), met particulièrement l’accent sur les enjeux politiques et commerciaux de la cartographie numérique. Selon Duggan, la création de cartes n’est jamais neutre : elle reflète les intentions des acteurs qui les produisent. Les entreprises comme Google, par exemple, utilisent les algorithmes de GPS non seulement pour nous orienter, mais aussi pour orienter nos comportements de consommation. Ces systèmes privilégient certains itinéraires ou commerces en fonction de critères commerciaux, modifiant ainsi les flux de circulation et les dynamiques locales. Cela place un immense pouvoir entre les mains des entreprises tech, qui, en contrôlant ces cartes numériques, influencent subtilement nos choix quotidiens et notre vision du territoire.

En outre, Duggan souligne que les cartes sont des outils politiques puissants. En représentant certains lieux ou informations de manière plus visible que d’autres, en suggérant que certaines frontières sont mouvantes ou incertaines, elles peuvent renforcer des agendas politiques ou économiques.

Il évoque également la contre-cartographie, qui cherche à dévoiler ces biais et à offrir des alternatives, en donnant voix à des communautés marginalisées ou en proposant des représentations plus inclusives du monde.

Ces nouvelles formes de cartographie révèlent comment les grandes entreprises, sous couvert de neutralité technologique, jouent un rôle clé dans la façon dont nous nous représentons l’espace et dans la façon dont nous sommes influencés à notre insu par ces représentations. La reprise de la vente de cartes papier ces dernières années, contre toute attente, fait figure de fine trace de résistance du randonneur humain, ancien chasseur-cueilleur.