« Ce n’est pas nous qui faisons le voyage, c’est le voyage qui nous fait. »

Ah, si Nicolas Bouvier, célèbre écrivain-voyageur suisse, avait su à quel point cette phrase serait mal comprise, exploitée et recyclée par une armée d’agences de voyages, bien intentionnées… pour leurs actionnaires. Samuel Labarthe, en portant ce livre a la scène, nous rappelle combien la poésie du voyage s’est étiolée, transformée en un produit formaté, sous blister, prêt à consommer. Car dans une manipulation mentale mercantile mais dramatique, on fait croire aux touristes qu’ils voyagent.

Le tourisme, c’est un buffet exotique où l’on vous mâche l’exotisme. « Goûtez donc ce bout de culture locale, mais attention, pas trop épicé, on a adouci pour vous ! » Le voyage, lui, c’est la saveur brute, parfois amère, toujours imprévisible. C’est cette sensation inconfortable de se perdre dans une ville sans cartes postales, de se retrouver face à soi-même au détour d’un chemin désert. Pas vraiment Instagrammable, on en convient.

Mais qu’importe, à l’ère du selfie, on vous vend du « voyage intérieur » à coups de packages tout-inclus, où le moment phare sera cette photo prise devant un paysage instagrammiquement célèbre, défiguré par la surfréquentation mais  retouchée et filtrée pour paraître encore plus « unique ». Tout cela, bien sûr, sous l’œil vigilant d’un guide qui vous rappelle que « là-bas, à droite, vous trouverez la boutique souvenir. » Parce que, même en pleine « aventure », le cash reste une priorité.

Alors, cher touriste, ne sois pas dupe. Ce que l’on te vend, ce n’est pas du voyage, c’est une mise en scène. Le voyage, le vrai, te transforme, il te rudoie parfois, mais il ne t’accompagne pas avec des selfies sur les réseaux sociaux. Le voyage ne te fait pas miroiter un dépaysement en trompe l’œil. Il te chamboule pour de bon. C’est la grande différence : le touriste paie pour rester le même. Le voyageur, lui, rentre différent.