
C’est l’une des injustices les plus incompréhensibles de notre époque : le fait que les actionnaires – souvent étrangers aux réalités quotidiennes de l’entreprise – soient propriétaires de celle-ci.
Sous prétexte d’un apport financier initial, les voilà en position de se goinfrer la valeur créée par tous les autres, des travailleurs aux dirigeants engagés, en passant par les clients fidèles. Ce système, hérité d’un capitalisme obtus à la vision courte (pléonasme ?), permet à des investisseurs anonymes donc totalement défiltrés de s’accaparer le fruit d’un effort collectif, voire de dicter les orientations d’une entreprise qui pour eux n’existe que comme vache à lait patrimoniale.
L’origine de cette aberration remonte à la révolution industrielle, où le capital nécessaire pour lancer les grandes entreprises manufacturières exigeait de lourds investissements. On a alors créé ce concept d’actionnaire pour lever des fonds, en donnant en échange à ces financiers le contrôle et la propriété de l’entreprise. Mais ce qui répondait à un besoin circonstanciel est devenu, avec le temps, une malédiction économique. Aujourd’hui, malgré un contexte technologique et financier radicalement différent, malgré les efforts de l’économie sociale et solidaire pour proposer une voie alternative, celle des SCOP, cette logique de rapace persiste et étouffe lentement tout projet industriel.
Qui peut encore défendre cette situation comme « logique » ou « juste » ? Quand une entreprise se construit par l’énergie de centaines, voire de milliers de personnes, la voir réduite à un simple actif financier relève d’une absurdité rare. Et pourtant, c’est ce qui est admis et justifié par des lois, des pratiques et des normes héritées du 19e siècle. Ce modèle dénature le lien entre l’entreprise et ceux qui en font la force, tout en promouvant l’idée que l’argent seul crée de la valeur.
Il est grand temps de réinventer l’entreprise, pour que sa richesse profite d’abord à ceux qui la créent, et non à ceux qui la possèdent par procuration. Il y aura peut-être un peu moins de burnouts et de perte de sens si les salariés ont l’impression de servir a autre chose que d’engraisser des profiteurs invisibles.
Depuis que l’argent fait de l’argent et plus du social, nous sommes perdu.es !
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Ouais mais tu vois en fait il y a aucune vraie raison pour que les actionnaires trust la majeure partie du profit et que les salariés et l’investissement doivent se serrer la ceinture uniquement pour que le cours de bourse ait une bonne tête. En plus le conseil d’administration tient en otage les dirigeants !
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Nous sommes bien d’accord !
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Je donne un cours à l’Association Philotechnique sous le titre « Changer de logiciel économique » et hier j’ai justement abordé ce sujet. Il est clair que pour réaliser certains grands projets, il faut être capable de réunir des volumes parfois énormes de capital. Il fut une époque où l’Etat jouait ce rôle et nous lui devons beaucoup d’infrastructures. Puis il y a eu le capital privé qui a atteint aujourd’hui un poids écrasant et qui vit de spéculation. Entre les deux, il y a eu l’apparition des systèmes coopératifs qui auraient dû prendre beaucoup plus d’importance et qui sont la vraie voie vers une meilleure société. Par exemple on peut rêver que BigPharma soit une entreprise coopérative soucieuse de la santé de ses membres et non de l’enrichissement de ses actionnaires. Mais comment convaincre le « peuple » de se lancer dans de tels projets ? Dans « Au commencement », le regretté David Graeber constate que, si notre inventivité technologique est déchaînée, en revanche notre inventivité sociale est léthargique.
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Analyse tout à fait pertinente et je partage la perplexité sur le fait que l’économie sociale est solidaire ne se soit pas plus développée malgré d’une part sa beaucoup plus grande justice et d’autre part le fait que les SCOP font beaucoup moins faillite que les sociétés classiques. Mais il y a peut-être aussi la main invisible du capitalisme sur le fait de conserver une rente de situation aussi confortable…
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En 1997, j’ai décidé de ne plus placer d’argent en bourse. Mais combien d’entre nous sont-ils prêts à le faire pour prendre des parts dans un système coopératif ? Le monde est le résultat de nos choix. Il y aurait un travail énorme et patient à faire pour que nos contemporains lèvent le nez de leurs routines. Les thèses de l’économie classique tiennent toutes les chaires. L’économie est un récit parmi d’autres et celui-ci sert les intérêts des goinfres que tu évoques. Qui aujourd’hui dénonce ce système ? Il y a un consensus tacite de quasiment toute la classe politique pour le considérer comme un fait qu’on ne remet pas en question. Ou alors on le conspue, juste pour essayer d’en obtenir de chimériques concessions, mais sans vouloir le renverser. Il y a des jours où je regrette – je ne l’aurais jamais cru! – Georges Marchais!
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Ah ben oui Georges Marchais voilà une référence qui ne va pas parler aux moins de 50 ans !!! Mais c’est vrai qu’aujourd’hui si ces idées n’étaient pas portées par des fous furieux narcissiques, on pourrait être tentés de faire la révolution, malgré nos doubles mentons et nos rides !
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Quand je me regarde, je me désole. Quand je regarde Larcher, je me console! 😅😅😅
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Ça me rappelle un ami, directeur d’une usine appartenant à un grand groupe agroalimentaire, détenu par un fonds d’investissement. Il avait proposé un plan de modernisation de l’outil de production, qui aurait permis de tout améliorer : la productivité, les conditions de travail, et à terme de sauver les emplois des salariés de l’usine vieillissante. Seul problème : le retour sur investissement n’était pas immédiat (il fallait compter au moins 5 ans). Le fonds d’investissement a donc refusé : ils préféraient presser le citron jusqu’à la dernière goutte de cash et revendre l’usine avant qu’elle ne soit complètement obsolète.
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C’est exactement le propos, et c’est ce genre d’arbitrage qui rend les gens fous et à mon avis qui contribue très largement à l’épidémie de burn-out que l’on voit se répandre dans les pays industrialisés depuis une vingtaine d’années. Parce que de remplir les poches d’un fond d’investissement, ça ne fait pas beaucoup vibrer pour se lever le matin !
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On est bien d’accord, ils ont apporté les capitaux mais c’est la force des travailleurs qui fait tout !
D’ailleurs, il y avait une très bonne intervention en ce sens, et en le sens de taxer les nouveaux gains des plus riches, par Thomas Piketty vendredi soir sur LCI dans 24H Pujadas. Il a eu du mal à se faire entendre mais il a dit des choses qui ont résonné en moi. Au moins, il ne souhaite pas rester passif comme beaucoup.
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Avec une imposition à 20% des plus riches et le retour de lSF on ne parlerait plus de deficit budgétaire.
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On est bien d’accord et ce ne serait que récupérer ce qu’on leur a indûment donné…
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