Stéphane Foucart, dans une récente chronique pour Le Monde (18/11), soulève un sujet glaçant : le fascisme, loin d’appartenir au passé, pourrait se réinventer en s’appuyant sur la question environnementale.

Les formes émergentes de l’extrême droite, de Donald Trump à Jair Bolsonaro en passant par leurs émules européens, ne se contentent pas de nier le changement climatique : elles en font un marqueur idéologique. Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Comme l’explique Foucart, ce néo-fascisme ne ressemble plus à celui du XXᵉ siècle. Jadis attaché à un État fort et à la valorisation du terroir, il épouse désormais les dogmes libertariens : démantèlement de l’État, dérégulation industrielle et mépris total pour la nature. L’écologie devient non seulement un ennemi, mais aussi une cible stratégique. Pourquoi ? Parce qu’elle menace directement l’idée d’un monde où l’homme s’impose comme maître absolu, où la vie elle-même devient un combat permanent pour des ressources toujours plus rares.

Umberto Eco, dans son essai « Reconnaître le fascisme », décrivait ce dernier comme une rhétorique floue, un « véhicule » pour d’autres idéologies. Aujourd’hui, l’écoscepticisme – ce rejet des sciences environnementales – s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il permet de justifier l’injustifiable : pomper les hydrocarbures tout en vantant une « énergie propre », ou encore nier le réchauffement climatique tout en promouvant les SUV électriques. Ces contradictions ne sont pas des obstacles, mais des armes, car, comme le disait Eco, le chef fasciste revendique une vérité supérieure, au-delà de la logique.

Foucart conclut en évoquant une inquiétude majeure : l’acceptation passive des catastrophes climatiques pourrait devenir un élément de cohésion nationale. Sous couvert de résilience et de lutte, ce nouveau fascisme demanderait aux populations d’embrasser l’adversité comme une fatalité, voire une mission.

Alors que les signaux d’alerte se multiplient, ne fermons pas les yeux. Comme l’écrivait Eco, le fascisme « revient toujours sous des habits neufs ». Aujourd’hui, ses habits pourraient bien être verts, mais avec un beau manteau en cuir noir.