Dans L’Embaumeuse, Juliette Cuisinier-Raynal nous ouvre la porte – ou plutôt la chambre froide – sur un métier souvent méconnu, parfois fantasmé, et rarement exploré avec autant de profondeur : celui de thanatopracteur. À travers son récit, elle nous guide dans les coulisses de son quotidien, où le geste technique côtoie l’émotion brute, et où chaque corps raconte une histoire à écouter avec respect.

Ce livre est bien plus qu’un simple témoignage. C’est une plongée dans un univers où la mort, au lieu d’être terrifiante, devient une forme d’art, un espace de poésie, et parfois même d’humour. Cuisinier-Raynal excelle dans sa capacité à révéler l’humanité de ses défunts, qu’ils soient bouleversants, tragiques, ou étonnamment comiques. Et à travers eux, elle nous parle surtout de la vie.

Mais L’Embaumeuse n’est pas qu’un chant funèbre. Avec une plume acérée, l’auteure dénonce aussi le cynisme glaçant des grandes firmes funéraires. Ces entreprises, qui transforment la douleur des familles en dividendes pour leurs actionnaires, contrastent brutalement avec l’éthique de son métier. Elle y oppose la dignité du soin, du respect, et des rituels, rappelant que la mort est avant tout une affaire de vivant.

Le livre atteint même par moments une forme de sublime, lorsque la frontière entre les mondes – celui des vivants et celui des morts – semble s’effacer. Il y a une spiritualité diffuse, presque mystique, dans ces moments où l’embaumeuse devient une passeuse d’âmes, une gardienne des derniers instants de beauté et de mémoire, semblant recevoir des messages depuis l’autre côté.

Et l’on referme cet ouvrage avec une étrange lumière dans le cœur : un chant vibrant qui honore la vie, précisément parce qu’il émane de ceux qui l’ont quittée. À travers les gestes, les regards, et les histoires qu’elle nous confie, Juliette Cuisinier-Raynal fait de la mort une leçon de vitalité.