
Le biopic musical est un genre délicat. Nous en parlions déjà dans un précédent article, où nous comparions Un parfait inconnu, consacré aux débuts de Bob Dylan, et Maria, qui explorait les derniers jours de Maria Callas. Deux approches opposées : la naissance d’un mythe d’un côté, l’effondrement d’une légende de l’autre. L’un vibrant d’énergie et d’espoir, l’autre figé dans une élégance funèbre.
Avec Monsieur Aznavour, signé Grand Corps Malade et Mehdi Idir, la question ne se pose plus. Ce biopic met tout le monde d’accord, trouvant l’équilibre parfait entre narration classique et portrait intime. On y suit la trajectoire de Charles Aznavour, gamin du quartier de la Goutte-d’Or devenu monument de la chanson française, avec une construction fluide, évitant les pièges de la reconstitution appliquée ou du simple enchaînement de scènes iconiques.
Monsieur Aznavour adopte une structure diachronique, déroulant la vie du chanteur dans une continuité limpide, sans les artifices de flashbacks ou de récits fragmentés qui alourdissent parfois les biopics. Ici, chaque étape de sa carrière et de sa vie personnelle est racontée avec une justesse qui capte autant l’ascension que les doutes, les blessures que les triomphes.
Là où Maria nous enfermait trop vite dans le deuil, où Un parfait inconnu misait sur l’énergie des débuts, Monsieur Aznavour nous emmène dans une progression maîtrisée, où chaque tournant du destin trouve son écho dans une chanson, une rencontre, un obstacle surmonté. On assiste à la construction progressive de l’artiste et de l’homme, sans jamais perdre le fil d’une émotion sincère.
Là réside l’un des grands coups de force du film : Tahar Rahim n’imite pas Aznavour, il l’incarne. Plutôt que de céder à l’illusion d’une ressemblance troublante – un écueil qui transforme parfois les biopics en démonstrations mimétiques –, il capte l’essence du personnage, son phrasé, ses gestes retenus, cette façon unique d’occuper l’espace avec une humilité paradoxale.
On n’a pas affaire à un acteur grimé sous une tonne de prothèses et de maquillage, mais à un comédien qui a compris Aznavour dans ce qu’il avait de plus profond : son regard sur le monde, son rapport au doute, son besoin viscéral d’écrire et de chanter.
Autour de lui, les seconds rôles enrichissent cette fresque sans jamais sombrer dans la caricature. Marie-Julie Baup, notamment, est un éblouissement dans le rôle d’Édith Piaf : bien plus vraie que nature, et surtout bien meilleure que Marion Cotillard, qui avait pourtant décroché un Oscar pour La Môme. L’actrice restitue avec une justesse troublante la gouaille, la tendresse et la complexité de la chanteuse, dans une alchimie parfaite avec Aznavour.
Mention spéciale également à Camille Moutawakil, incarnant la sœur du chanteur, Aïda Aznavour, et à Victor Meteulet dans le rôle de notre Johnny national à ses débuts. Chacun donne une réelle profondeur à son personnage, apportant des nuances essentielles dans le portrait de l’homme derrière l’artiste.
Mais un biopic musical ne serait rien sans… la musique. Là où Maria explorait la voix perdue de Callas, où Un parfait inconnu nous donnait la voix et surtout l’élocution qu’on attendait de Dylan, Monsieur Aznavour arrive encore à nous surprendre.
Les chansons, replacées dans le contexte de leur création, prennent un sens nouveau, vibrant d’écho avec les épreuves traversées par l’artiste. On découvre ou redécouvre les titres cultes sous un autre jour, avec un travail d’orchestration et de production sonore remarquable. La voix, omniprésente, est traitée avec un soin particulier, dans une restitution qui respecte l’original tout en l’inscrivant dans une mise en scène immersive.
Au final, ce qui fait la réussite de Monsieur Aznavour, c’est son équilibre parfait entre le récit intime et la fresque musicale. Là où certains biopics se perdent dans la reconstitution minutieuse sans âme, où d’autres sacrifient l’humain à la légende, celui-ci trouve la note juste.
On ne sort pas du film en simple spectateur impressionné par la performance d’un acteur ou par la fidélité des décors, mais avec l’impression d’avoir approché un homme dans toute sa complexité, son génie, ses failles.
Et dans nos oreilles, ces chansons éternelles qui continuent de résonner.
Ce sera donc le premier des 3 cités que je regarderai. Je l’avais déjà noté grâce à sa bande annonce où la performance mais aussi l’ambiance générale du film m’avait donné très envie.
S’il a l’air d’avoir un parti pris peut-être moins clinquant que les autres, il a l’air très efficace et marquant. Et puis je veux en apprendre plus sur ce grand monsieur.
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On passe vraiment un bon moment ! Et quelles chansons ! Tu vas voir aussi le rôle de Piaf 😍
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